mardi 16 janvier 2024

Atelier : David Graeber, penseur de l’imagination

 Congrès de la Société québécoise de science politique, Université d’Ottawa 29-31 mai 2024

APPEL À COMMUNICATIONS

Atelier : David Graeber, penseur de l’imagination

Le monde ne pourrait-il pas être autrement ? La vie et l’oeuvre de David Graeber (1962- 2020) auront été dédiées à ouvrir nos horizons politiques, à rendre un autre monde possible. Ce colloque cherchera à comprendre le rôle qu’a joué l’imagination au sein de son travail intellectuel et activiste. Comme s’il répondait à la condition décrite par Mark Fisher comme le « réalisme capitaliste », Graeber nous plonge dans notre passé et notre présent pour ouvrir une brèche dans laquelle dessiner notre avenir. Dans Utopia of Rules, il interroge la bureaucratie, définie comme antipode de l’imagination. Processus de formalisation et d’abstraction, elle homogénéise la « réalité », l’immobilise et l’aplanit. Ce faisant, elle cimente des relations de pouvoir inégalitaires et oppressives. Bullshit Jobs, via son portrait parlant de la souffrance contemporaine au travail, dévoile le vide central à ces expériences : vide de sens, mais plus encore vide de pensée, de création et d’imagination. Si Graeber diagnostique des grands maux de notre époque, ses études anthropologiques, portant autant sur les nouvelles manières de structurer notre présent politique que sur les manières passées d’organiser nos sociétés, mènent à reconsidérer ce qui est possible. L’imagination graeberienne souhaite ainsi passer outre les limites imposées par les systèmes d’oppression sous-tendant notre imaginaire. Graeber appelle à remettre en question ce qui nous semble naturel pour entrevoir ce qui pourrait être : un ordre plus juste et décent. Cette ontologie politique de l’imagination se décline comme projet intellectuel et politique ambitieux : suite à son décès prématuré en 2020, il devient nécessaire de le poursuivre.

Le travail de Graeber étant assez récent, peu s’y sont penché·e·s en profondeur. Cette absence est particulièrement notable dans le monde francophone : bien que les concepts établis par Graeber soient assez connus, son oeuvre demeure sous-théorisée. Le large déploiement des notions proposées par David Graeber témoigne pourtant de la pertinence de ses travaux et souligne la nécessité de les interroger davantage. Une posture hagiographique, par contre, ne nous intéresse guère : il s’agira par conséquent de creuser les manques, les angles morts et les pistes non explorées au sein de ses réflexions. L’atelier vise donc à enrichir un pan de la recherche jusqu’ici négligé, en creusant l’oeuvre d’un des théoriciens sociaux les plus largement reconnus de notre époque. Graeber écrit en réaction à diverses crises — politique, sociale, climatique, du travail — qu’il s’avère essentiel de théoriser davantage. À l’instar de Graeber, l’atelier propose ainsi d’alimenter les réflexions entourant ces crises : de creuser leurs causes et d’imaginer des débouchées possibles. Nous souhaitons permettre un espace de réflexion et de discussion pouvant enrichir nos conceptions non seulement de la pensée graeberienne, mais plus encore des divers enjeux qu’il participe à théoriser.

Les contributions porteront, sans s’y limiter, sur les axes suivants : pratiques démocratiques radicales, enjeux du travail, travaux traitant de la bureaucratie, de la dette ou de la théorie de la valeur, lectures et analyses des textes de Graeber. Les personnes intéressées à offrir une contribution sont invitées à envoyer une proposition de communication (maximum de 300 mots), leurs coordonnées et une courte biographie au comité d’organisation avant le 1er février 2024.

Alexandre Crépeau, Université d’Ottawa, acrep018@uottawa.ca

Raphaël Ouellet, Université du Québec à Montréal, ouellet.raphael@courrier.uqam.ca

Sophie Bourgault, Université d’Ottawa, sbourgau@uOttawa.ca

mardi 9 janvier 2024

Résistances politiques et techniques de(s) l'ordinaire(s)

CONGRÈS ANNUEL DE LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE SCIENCE POLITIQUE Université d’Ottawa 29-31 mai 2024 APPEL À COMMUNICATIONS 

Atelier « Résistances, politiques et techniques de(s) l’ordinaire(s) » 

Organisatrices : Sophie Bourgault (Université d’Ottawa), Julie Paquette (Université Saint Paul) et Justine Perron (Université d’Ottawa) 

La conception foucaldienne du pouvoir stipule que celui-ci ne relève pas exclusivement d’instances officielles ou d’actes extraordinaires : plutôt, le pouvoir est diffus et situé dans toutes les sphères de la vie. En effet, le pouvoir s’incruste dans la quotidienneté, trouvant des ancrages dans ce qui apparaît le plus routinier, ordinaire. Toutefois, Foucault (1976) nous apprend aussi que « là où il y a pouvoir, il y a résistance ». Cette thèse informe notamment les écrits de James C. Scott sur l’infrapolitique, qui stipule que la résistance à la domination se forme de façon discrète et loin des yeux du pouvoir (Scott 1992). Ces espaces cachés permettent aux dominé.es de développer un lexique de lutte commun, mais aussi de prendre soin les un.es des autres en réponse à la violence quotidienne subie. Cette « infrapolitique du soin » (Malatino 2019; Harris 2023) peut parfois être cruciale pour la survie de certains groupes, et constituer une importante source de solidarité. 

Il existe également des résistances infra-ordinaires (Perec 1989; Johansson et Vinthagen 2016), logées dans certains gestes de contestations routiniers et de pratiques qui, sans être cachés, passent souvent inaperçus. Ces résistances discrètes peuvent se déployer dans plusieurs milieux : pensons aux pratiques visant à contrer la surveillance et le contrôle numérique au travail, aux jardins collectifs luttant contre la gentrification des quartiers, aux cercles de raccommodage et de réparation servant à contrecarrer la surconsommation et l’obsolescence planifiée, etc. Les violences ordinaires peuvent ainsi se heurter au travail de résistance ordinaire, qui implique en outre de prendre soin des choses, des autres et du monde (Laugier 1999; Garrau 2018; Denis et Pontille 2020). 

La résistance ordinaire peut aussi se situer au niveau du sujet, et concerne son rapport à lui-même. Ce dernier peut non seulement porter un regard critique sur ses pratiques, mais il peut également être créatif, voire inventer un nouveau quotidien (Certeau 1990; Butler 1999; Hadot 2001). Pensons aussi à diverses techniques de soin du soi (Foucault 1984, 1988) ou encore aux pratiques d’autodéfense (Dorlin 2017), qui remettent le corps – voire le muscle – au centre d’une pratique visant à contrecarrer les matérialisations du pouvoir dans son ordinaire subjectif. 

Face à l’interdépendance du pouvoir, des résistances et de la sphère de l’ordinaire, notre atelier interdisciplinaire propose de se pencher sur ces thématiques et sur des questions telles que : Comment s’organisent les résistances en l’absence quasi-complète de soutiens institutionnels ou d’infrastructure? Dans quelle mesure les techniques de soi se présentent-elles comme des formes de résistances ordinaires ? Peut-on prendre soin « des autres » quand ces derniers sont animés par la haine? Quels sont les effets des résistances quotidiennes sur les systèmes de domination? Est-ce que certaines résistances ordinaires participent, malgré elles, à la reproduction du pouvoir? Quel sens donner au terme « ordinaire »? 

Les propositions de communications seront acceptées par les organisatrices jusqu’au 1er février 2024. Veuillez faire parvenir votre proposition de communication (maximum 250 mots), avec vos coordonnées complètes et une brève note biographique à l’une des adresses suivantes : sbourgau@uottawa.ca, justine.perron@uottawa.ca ou jupaquette@ustpaul.ca.